Nous avons réalisé une petite interview avec les collègues blogueurs français de avenuedesinvestisseurs.fr. Je pense que leurs réponses sont très intéressantes pour notre petite communauté.
Bonjour Nicolas, Ludovic. Présentez-vous aux lecteurs luxembourgeois. Qui êtes-vous? Que faites-vous et depuis quand vous intéressez-vous aux finances?
Nous sommes les fondateurs du site Avenue Des Investisseurs (avenuedesinvestisseurs.fr). Il s’agit d’un site à mi-chemin entre un blog et un portail d’information sur les produits d’épargne et l’investissement. On essaie de couvrir toutes les classes d’actifs: actions, immobilier, obligations, or, etc. On a volontairement adopté un ton très pédagogique afin d’être compris par le plus grand nombre.
Ludovic: j’ai commencé à m’intéresser à l’investissement il y a une quinzaine d’années. C’est une passion. Cela fait près de 12 ans que j’investis en bourse. Au début, j’achetais des actions en direct, mais depuis quelques temps je me tourne de plus en plus vers les fonds indiciels par soucis de simplicité. Au niveau professionnel, je travaille dans la recherche scientifique. Un domaine qui n’a rien à voir avec la finance.
Nicolas: je m’intéresse à mes finances personnelles depuis mon expatriation en 2009. Je gagnais bien ma vie et j’ai été «contraint» d’apprendre à placer ce qui «débordait». J’ai donc appris sur le tas, puis je me suis pris au jeu et j’ai appris un peu plus chaque jour. Maintenant, j’apprécie de transmettre mes connaissances en pratique au grand public. Je déplore que l’on n’enseigne pas aux étudiants les bases de la finance personnelle, moi-même je n’ai rien appris à ce sujet au cours des mes études supérieures alors que j’ai étudié la finance.
Comment voyez-vous les possibilités d’investissement pour les investisseurs privés en France? Y a-t-il suffisamment d’offres? Y a-t-il des courtiers bon marché ou des banques directes? Qu’est-ce qui vous manque ou qu’est-ce qui est différent des autres pays?
En France, on trouve des banques et courtiers en ligne bon marché (1,90 € l’ordre de 1.000 € par exemple) avec des services relativement complets, on est plutôt satisfaits de ce point de vue. On évite les banques traditionnelles, généralement chères et facturant des droits de garde que l’on juge d’un autre temps (frais fixes de x € par ligne par an).
Certains investisseurs français se tournent vers des courtiers étrangers pour aller plus loin (prêt de titres, accès à davantage de produits dérivés, etc.). Mais pour investir dans des titres vifs et des fonds d’investissement, les courtiers accessibles en France font largement l’affaire. La plupart des courtiers installés en France fournit un IFU (imprimé fiscal unique), ce document facilite grandement la déclaration des gains aux impôts, c’est une raison de plus pour les épargnants français d’opter pour un courtier local. Les banques en ligne proposent également des offres intéressantes pour investir en bourse.
La différence entre la France et les autres pays est que nous avons des outils spécifiques pour investir en bourse avec des avantages fiscaux. En particulier, nous avons le plan d’épargne en actions (PEA). C’est une enveloppe au sein de laquelle on peut investir (et réinvestir ses gains) sans payer d’impôt tant que l’argent reste dans le PEA. Et si on sort de l’enveloppe après 5 ans, on ne paie pas d’impôt sur la plus-value. Cette enveloppe a toutefois quelques contraintes. Les versements sont limités à 150.000 euros (ce qui est tout de même une somme non négligeable!). Plus gênant: en principe on ne peut investir que dans des entreprises européennes. En pratique, on peut quand même s’exposer aux marchés mondiaux grâce à des ETF synthétiques. Par contre, on ne peut pas acheter d’actions américaines en direct…
Existe-t-il une communauté active pour les investisseurs privés en France? Quels sont vos héros (bloggeurs, YouTube etc.) qui vous ont permis d’entrer dans le monde de la finance?
Il y a une multitude de communautés d’investisseurs privés en France. Elles se regroupent selon leurs profils d’investisseurs et donc aussi un peu selon leur patrimoine. Certaines sont constituées d’épargnants avec une stratégie «père de famille». Ces épargnants sont plutôt à la recherche de placements sécurisés (essentiellement des fonds euro) et s’autorisent une petite part investie en actions pour dynamiser leur épargne à long terme. On a aussi des investisseurs avec des patrimoines plus importants et davantage exposés aux actions. D’autres communautés sont spécialisées sur l’immobilier. Il y a beaucoup de forums, chacun peut trouver celui qui lui convient en fonction de son style d’investissement. Enfin, il y a également des investisseurs en private equity et venture capital, à l’affût de startup. C’est un petit cercle peu actif sur le web.
Ludovic: je n’ai pas vraiment de héros. Je suis un peu de la vieille école, quand je me suis lancé dans l’investissement, je lisais beaucoup les conseils de Warren Buffett. Et au quotidien, je lis la presse économique.
Nicolas: idem, pas vraiment d’idole suivie (à part Buffett qui reste la référence). On essaie de devenir les nouveaux mentors à l’aide de notre site 🙂
Quelles possibilités voyez-vous dans le contexte actuel de faibles taux d’intérêt pour investir votre argent de manière rentable?
La performance des placements sans risque tels que les fonds euro chute année après année. On est donc poussé à investir davantage en immobilier et en actions. Ces 2 classes d’actifs délivrent encore de bonnes performances et offrent une bonne protection contre l’inflation (un atout non négligeable à long terme).
Avec autant de classes d’actifs, comment décider ce que je dois inclure dans mon portefeuille ou ce qui est plus médiatisé et ce que je dois laisser de côté?
On est partisans d’une approche optimisant la diversification du portefeuille. Pour les actions, on privilégie désormais d’ailleurs les ETF avec une exposition multi-continents et multi-sectoriels pour investir en bourse. Pour les débutants et pour ne pas avoir à choisir, le tracker world est idéal pour s’exposer sur les 1650 plus importantes capitalisations mondiales.
On ne boude aucun secteur ni aucune classe d’actifs. Mais il faut reconnaître que certains placements ne sont guère attractifs en ce moment. Je pense par exemple aux obligations investment grade dont le rendement est proche du néant…
À l’inverse, le secteur des nouvelles technologies est très attractif en raison de sa forte croissance, mais les actions se paient très cher, le risque d’un retour de bâton existe en cas de crise économique. Encore une fois, une bonne diversification permet de bien dormir sans trop stresser pour son patrimoine.
Que conseillez-vous à un débutant qui souhaite investir son argent mais qui veut en prendre le moins possible soin?
Pour investir simplement et efficacement, nous conseillons de démarrer avec un ETF exposé aux marchés mondiaux sans trop de biais sectoriel. Typiquement, un ETF reproduisant la performance MSCI World. De préférence un ETF capitalisant afin de limiter le frottement fiscal dans le cas où l’épargnant est résident fiscal d’un pays où les dividendes sont taxés.
Comment voyez-vous la situation économique actuelle et les développements pendant la crise de Corona? Dois-je attendre et voir ce qui se passe ou non? Quelle stratégie fonctionne encore aujourd’hui?
La situation actuelle est préoccupante pour l’économie. Jusqu’à présent, les États et les banques centrales ont très bien réagi. Les marchés financiers se sont redressés mais l’inquiétude persiste. On n’est pas à l’abri d’une hausse de la volatilité. La crise de COVID modifie fortement les habitudes des citoyens, les entreprises préalablement fragilisées mettent la clef sous la porte. Mais c’est aussi une opportunité pour d’autres sociétés.
Ludovic: personnellement, j’évite de chercher à pricer le marché. J’ai une allocation cible et je m’y tiens. Si les marchés baissent, je pourrai racheter des actions pour ré-équilibrer mon allocation. Si on peut recommander une stratégie, c’est justement d’éviter de pricer le marché, il faut se fixer une allocation cible en adéquation avec ses projets financiers, et s’y tenir.
Nicolas: je suis partisan de l’investissement passif et du dollar cost averaging (DCA). C’est à dire que j’investis régulièrement, peu importe le niveau du marché. Sans me poser de question, ni stresser. Cela m’a fait investir quand les marchés actions étaient bas en plein coeur du COVID. Je suis loin du trader qui fait du market timing et du stock picking. À long terme, ça paie, et c’est meilleur pour ma santé (moins chronophage et moins stressant)!
Vous préparez-vous à un éventuel crash ou redémarrage du système financier en vous couvrant, par exemple avec plus de liquidités ou de métaux précieux, ou continuez-vous simplement à investir quelle que soit la phase?
Ludovic: personnellement, j’ai pas mal de liquidité, non pas pour me couvrir d’un risque de crash des marchés, mais simplement car j’envisage d’acheter un bien immobilier prochainement. Je n’investis pas en bourse pour le court terme (les marchés sont trop erratiques à court terme) donc l’argent est sécurisé sur des fonds euro.
Nicolas: j’investis par tout temps. Et j’ai des réserves en fonds euro s’il faut renforcer en cas de krach. Je verrai ça plutôt comme une opportunité.
Quels développements dans le secteur financier trouvez-vous excitants en ce moment?
On en a parlé un peu plus haut, la popularité des ETF a fortement cru ces dernières années. Un succès mérité selon nous. Les ETF délivrent de bonnes performances et sont très peu chargés en frais, comparativement aux fonds d’investissement classiques.
On s’intéresse aussi au développement des Fintech permettant de déléguer la gestion de son épargne et en particulier de son portefeuille d’actions. Beaucoup d’épargnants n’ont pas les compétences ni l’envie pour gérer en direct leur allocation patrimoniale. Sur Avenue Des Investisseurs, on met en avant les Fintech proposant des services de gestion pilotée performants et innovants.
D’ailleurs, de nombreuses Fintech type robo-advisors s’appuient sur les ETF pour allouer les encours dont ils ont la gestion. Cela permet de réduire fortement les couches de frais!
Certaines Fintech permettent même d’allouer son patrimoine sur des fonds avec des valeurs éthiques (investissement ISR), je pense par exemple à la Fintech Nalo (on a publié notre avis sur Nalo dans un article dédié).
Avez-vous actuellement des actions dans votre portefeuille? Si oui, quelle a été votre première action? Quelle est votre action préférée?
Ludovic: j’ai des actions détenues en direct et des ETF. Ma première action, je l’ai acquise il y a plus de 10 ans, après le crash de 2008, il s’agissait d’actions Kering (un groupe de luxe français). Elles étaient bradées à moins de 45 €. Je les ai revendu 3 fois leur prix quelques années plus tard! Au risque de décevoir, je n’ai pas d’actions préférées. En revanche, il y a des entreprises que j’aime: Apple, Tesla. Malheureusement ces entreprises sont très chèrement valorisées par le marché. Je ne peux donc pas les recommander à l’achat.
Nicolas: j’investis majoritairement en ETF, mais je ne peux pas m’empêcher de conserver quelques titres vifs. Il y a un certain attachement sentimental. Je me suis quand même séparé de ma première action (Solocal, ex pages jaunes, et ex star des valeurs à dividende) après une chute monumentale (business rendu has been par Google). Je détiens toujours quelques actions fétiches bien françaises (Air Liquide, Total, LVMH, Axa, Michelin, Vinci, etc.) et une action Américaine que j’apprécie (Amazon)..
Dans quoi ne voudriez-vous pas investir?
Ludovic: personnellement, je reste à l’écart des cryptomonnaies. Je n’ai jamais pris le temps de m’y intéresser en détail.
Nicolas: j’ai investi environ 1 % de mon patrimoine en cryptomonnaies (bitcoin), mais j’aurais du mal à dépasser les 2 %. C’est une sorte d’assurance, en cas d’envolée des cours, pour être dans le train. Et en matière d’actions, j’aurais du mal à investir sur des biotech…beaucoup trop volatil et incertain.
Que pensez-vous de l’investissement éthique?
On en pense beaucoup de bien. C’est un enjeu de plus en plus important. En France, le gouvernement a lancé un label ISR (Investissement socialement responsable) pour mettre en avant les fonds d’investissement les plus vertueux.
La bonne nouvelle est que ces fonds délivrent de bonnes performances d’après les derniers chiffres. Il faudra attendre encore quelques années pour confirmer cette tendance mais à l’heure actuelle, on peut d’ores et déjà encourager les investisseurs à aller dans cette direction. Il est possible de mettre en accord ses valeurs et ses placements sans compromis sur la performance.
Si vous pouviez donner un conseil à votre jeune vous-même, quel serait-il?
Ludovic: je lui conseillerais de toujours penser à bien diversifier son patrimoine, et rester humble dans ses capacités. Aussi, ne pas hésiter à déléguer la gestion de son patrimoine en cas de doute sur l’allocation patrimoniale à adopter.
Nicolas: si j’avais su, j’aurais encore davantage investi en actions au lieu de commencer très timidement il y a 10 ans! Mais en même temps, c’est facile à dire a posteriori 🙂
Avez-vous une recommandation de lecture? Quel livre doit-on absolument lire?
Ludovic: pendant longtemps, j’ai eu le livre L’investisseur intelligent de Benjamin Graham (avec la préface de Warren Buffett) sur ma table de chevet. Ce livre pose bien les bases et le cadre psychologique à adopter pour investir en bourse (et non pas jouer en bourse!).
Nicolas: il faut absolument lire Avenue des investisseurs pour avoir les bases 🙂 Ensuite, effectivement L’investisseur intelligent est une excellente lecture.